En bas des escaliers

Cela faisait quelques jours que Rudika n'était pas sortie de sa chambre et des salles de cours glaciales, autant par la température que par l'ambiance. Et elle profitait enfin de quelques heures de repos.

*Les devoirs attendront bien un peu...*

Elle avait attendu ça depuis son arrivée : pouvoir se promener à son gré, sans se soucier de personne, et s'imaginer des tas d'histoires qu'elle griffonerait dans un petit carnet, le soit-même.

Mais là, elle se sentait un peu perdue. Elle s'était emmitouflée dans ce qu'elle avait trouvé de plus chaud : une écharpe en alpaga, un gros bonnet de laine, ses mouffles, et son manteau long sous lequel on devinait, par l'épaisseur, qu'elle avait du enfiler plusieurs pulls.
Enfin bref,malgré tout ça, elle frissonnait. Elle s'était fait de plus des sueurs froides, quand elle avait manqué de se cacher une jambe dans ses fichus escaliers.

*Bon sang, où est-ce que je suis moi ...*

Elle espérait que quelqu'un passerait par ici, mais c'était pas gagné...

Et pourtant, un autre première année traînait lui aussi par là.

Pierre avait été bien occupé dès les premiers jours de cours, sans compter qu'il avait déjà eu droit à deux heures de colle dans le bureau de la gardienne et qu'il avait assisté à une pseudo résurrection l'avant-veille.
Il aurait été logique, donc, qu'il se repose le soir, mais le gamin n'était pas du genre à rester inactif, et puis rester dans le dortoir ne lui était pas une perspective très réjouissante.
Comme il n’aimait pas non plus les lieux trop fréquentés, depuis le premier soir, Pierre parcourait le château.
Il ne procédait pas par grandes virées, histoire de se repérer, non ; il y allait par petites touches, explorant en détail chaque petit coin et s’aventurant un peu plus loin chaque fois.
Alors aujourd’hui c’était cet endroit bizarre au bas des escaliers… Il n’avait pas utilisé la même entrée que Rudika, et quand il entendit ses pas dans l’escalier d’en face, il se trouvait agenouillé sur la dernière marche des siens à dépoussiérer ce qui ressemblait à une vielle inscription sans intérêt.

Le Loviathar se redressa et jeta un œil : il était dans l’ombre, mais la jeune fille était éclairée par les torches… Soulagé de voir qu’il s’agissait d’une élève, et ayant à peu près le même âge que lui, il décida de la chasser plus ou moins poliment de ses plates bandes.

Sans bouger de sa marche, il lança de sa voix flûtée :

"Qui va là ?"

*Y a quelqu'un en face de moi. Tout va bien. Pas de panique. Il n'a pas une voix bizarre, c'est bon signe. Mais est-ce que les monstres ont une voix bizarre ?*

Après tout, Rudika n'y connaissait rien au monde magique. Et en cours, elle n'avait pas encore abordé le problème des sons des créatures. Après un laps de temps, elle répondit enfin :

"Euh, Rudika. Chui élève ici. Je... euh... suis perdue..."

Bien que la voix qui lui avait parlé ne semblait pas être menaçante, ou lourde de reproches, elle cru bon de préciser qu'elle l'était, perdue. Au cas où ce serait un prof. De toute façon, c'était vrai...
Elle sera sa main autour de sa baguette, même si elle ne connaissait pas de sort pour se proteger... Peut-être espérait-elle qu'un Lumos aveuglerait son ennemi.

"Vous êtes où ? Montrez-vous !"

Aaron avait toujours rêvé de descendre dans les catacombes pendant ses deux premières année à Durmstrang, mais n'en avait jamais eu le courage. A présent, il se sentait suffisemment expérimenté dans le monde de la magie pour pouvoir se défendre en cas d'attaque d'animaux sauvages. La légende selon laquelle un golem vivait là, il n'y croyait pas. Du moins, c'est ce qu'il ne cessait de se répéter dans sa tête, pour se rassurer.

*... Y'a quelqu'un là-bas! *

Il éteignit la lumière de sa baguette pour se rapprocher en catimini et pouvoir observer à son aise.

*Encore lui! *

C'était le première année qu'il avait croisé avec Katerina, il y a un jour ou deux, après une tentavie raté d'ouvrir la porte de la véranda.

Pierre, enchanté à la fois par le vouvoiement de la jeune Rudika et par la légère nuance apeurée qu’il y décela, sourit dans le noir.
Tout occupé qu’il était à se gargariser intérieurement d’avoir l’avantage sur l’autre élève, il ne remarqua pas qu’on l’observait.
Il réfléchit quelques secondes à sa réponse, puis mit ses mains en coupe por répondre en direction du mur le plus proche :

"Le panneau "interdit aux élèves", tu crois que c’est pour décorer, petite impertinente ? "

Grâce à son petit stratagème, le son se répercuta sur toutes les parois et sembla venir de partout à la fois, ce qui effraya même un peu Pierre lui même. En attendant une réponse, il se baissa et entreprit de crawler discrètement un peu plus loin.
C’était plutôt amusant d’effrayer cette fillette qu’il trouvait crédule, bien qu’il ne soit pas plus savant, mais il voulait pouvoir disparaître quand il le voulait sans se faire repérer : question de sécurité.
C’est ainsi qu’il se retrouva accroupi au pied de ce qu’il pensait être un drôle d’élément architectural, et qui était en fait la jambe gauche d’Aaron.

Aaron avait assisté à la scène, médusé. Le garçon osait faire peur à une autre première année, un peu plus loin d'eux. Il regarda sans réagir, un peu dépassé, mais décida de réagir lorsque Pierre vint se blottir contre sa jambe. De sa main gauche, il rabattit la capuche de son manteau sur sa tête, de manière à plonger son visage dans l'obscurité.

"QUI OSE TROUBLER MON SOMMEIL?" tonna-t-il d'une voix grave et caverneuse. Evidemment, il risquait de terroriser la fille par la même occasion, mais l'occasion était trop belle.

Des voix qui venaient de partout... Rudika n'était plus du tout à l'aise ici ... mais l'avait-elle été...
Qui parlait, elle n'en avait aucune idée et à dire vrai, elle ne voulait pas le savoir, pour le moment. Il fallait qu'elle se sorte de la avant de faire pip.. le plus vite possible.

*Mais où sont ces foutus escaliers...*

Elle avança à tatons et trébucha sur une pierre (* c'est peut-être un crâne???*)... La chute fut rude, et un bruit sourd se fit entendre en echo sous la voûte...

Le garçon avait pris la fuite, il était donc temps de mettre fin à la plaisanterie. Mais avant qu'il n'ait pu faire quoi que ce soit, un bruit sourd se fit entendre. Aaron regarda dans la caverne et vit la petite fille au sol.

*Par la barbe de Merlin! *

Il se précipita vers elle, et l'aida à se relever.

"Tu n'as rien? N'aies pas peur, c'est un petit idiot de première année qui a voulu te faire peur! Probablement un Loviatar!"

Bien évidemment, il était bien plus facile de tout faire retomber sur le dos de Pierre et de nier ses responsabilités dans l'histoire pour passer pour le héros.

Kat n'eut pas beaucoup plus de temps pour méditer que bam, elle se retrouva au sol, quelqu'un lui ayant foncé dedans.

Sans même se préoccuper de la douleur de la chute, elle avait sorti sa baguette dans un réflexe et, bien que dans une position peu confortable, la pointait vers la chose qui l'avait percutée. Elle rencontra les yeux effarés de Pierre et le reconnut. Le gamin Abracadabra de la véranda.

"Toi !? "

Décidément, Rudika ne comprenait plus rien. Un garçon qui court un autre qui arrive, elle qui croyait que l'endroit était peu fréquenté, eh bien il était loin de l'être finalement...

"Ca ira merci. J'aurai juste une belle bosse, je suppose. Quelle idée de faire des escaliers dans un endroit aussi humide. Et avec des cailloux partout. Et dans la pénombre aussi."

Alors comme ça c'étaient juste des autres sorciers qui s'amusaient... S'ils étaient là eux aussi, il ne devait probablement pas y avoir de monstre. Ou alors savaient-ils les combattre.

"Hum, je crois que je me suis un peu perdue à vrai dire. Tu ne connaitrais pas le coin par hasard, s'il te plait ?"

"Oh, tu sais, les escaliers, l'humidité, les cailloux et la pénombre, c'est normal... C'est plutôt nous qui ne devrions pas être ici, c'est un lieu interdit! "

Aaron regarda autour de lui, et relança son lumos. Il ne faisait pas nuit noire, mais un peu de lumière ne se refusait pas.

"Le coin? Non, je le connais pas, je suis descendu pour explorer! Mais euh... bah si tu veux remonter, y'a les escaliers! "

Une chose était sûre : le jeune Oghma ne ferait pas un bon agent immobilier.

"Et risquer de te laisser tout seul ? Hors de question."

Bien sûr, elle ne le pensait pas. Elle étaitcertes un peu moins effrayée que 10 minutes plus tôt, mais l'occasion était trop belle.

"Je suis Rudika, première année, Oghma" déclara-t-elle solanellement, en lui tendant la main. " Tu sais si il y a des monstres dans le coin ?"

Il devait le savoir, il paraissait déjà assez grand et devait déjà avoir appris pas mal de choses à Durmstrang. Et sa connaissance du château pourrait bien lui être utile après tout.

"On y va ?"

Pierre se releva comme s'il avait reçu un choc électrique. La honte ! Elle était vraiment obligée d'être tujours là quand il se ridiculisait ou quoi ?!
Il lui jeta un regard furieux. Des voix se firent entendre en bas, et le gamin eut soudain un doute... Le monstre...

Il siffla de sa voix aux accents électroniques: "Ton stupide copain plein de sang est en bas, pas vrai ?"

"Mon stupide copain plein de sang ? mais de quoi tu me causes le mioche ?!"

Mais Kat fut soudain pétrifiée. Les bruits qui provenaient des catacombent lui faisaient maintenant vraiment peur. Elle se releva et se précipita à l'entrée des escaliers et, même si c'était assez inutile, hurla :

"Tout ceux qui sont là-dedans, vite, sortez, sortez tous !!"

"Moi c'est Aaron... Des monstres? Ah ah! C'est une rumeur des vieux pour qu'on descende pas ici! "

Mais après les bruits atroces et les tremblements, le jeune garçon n'en était plus aussi sûr. Il prit le bras de Rudika, et se mit à courir vers les escaliers.

"Plus vite, plus vite!"

Mais les escaliers étaient bloqués par les rochers. La seule chose qui soulagea Aaron fut le fait qu'il avait eu la bonne idée d'aller aux toilettes juste avant de descendre.

"Aïïïïeuh " cria Rudika

Aaron avait enfoncé ses doigts dans la peau de Rudika, et se crispait de plus en plus. Il la traînait presque dans les couloirs.

Elle non plus n'étais pas rassurée. Et c'était le moins qu'on puisse dire... Son fichu sens de l'orientation l'avait entrainée dans une galère, et si elle s'en sortait vivant, elle ...

*m'achèterais une boussole ? Je sais pas si c'est utile dans un château ... Foutredieu, c'est bloqué ... *

" Euh, Aaron, tu connais un truc puissant ? Où on dégage à la main ? "

Aaron commençait à paniquer. Si le truc les suivait, ils étaient foutus. Il s'imaginait déjà serré dans le poing du monstre, se débattat et criant, avant de se faire arracher la tête ou autre horreur du genre...

"Non, je suis nul en sortilèges! On y va à la main, y'a pas le choix!"

Le garçon se rua sur les pierres, et fit valser les plus légères. Mais de plus gros blocs l'attendaient juste derrière.

"Oh la la la la..."

Rudika se rua à l'assaut du mur de pierres. Ses bras maigrelets supportaient tant bien que mal - voire plutôt mal que bien - le poids des pierres devenant de plus en plus lourdes les unes après les autres.

"Mais c'est interminable ou quoi ?" s'essouffla-t-elle

Puis elle se laissa glisser, dos contre le mur, à terre.

"On est foutus."

*Elle a craqué ou quoi? Moi j'attends pas qu'il vienne me bouffer tout cru!*

"Non, attends, si on combine nos forces et qu'on fait bouger ce gros rocher..."

Aaron le montra du doigt.

"Ca devrait faire glisser les autres, et on devrait pouvoir se faufiler... Du moins j'espère. Il faut dire Wingardium LeviOsa et tourner ton poignet comme ça!"

Il lui fit une démonstration.

"A mon signal... Un... Deux... Trois! Wingardium LeviOsa!"

Rudika avait la main sur ses yeux, le visage crispé dans une grimace.

"Wingardium LeviOsa" se risqua-t-elle, en écartant deux doigts de sa figure.

Le résultat ne se fit pas attendre ...

Le gros rocher en question trembla violemment, puis se décola d'une dizaine de centimètre. Ce qui suffit à débloquer l'enchevêtrement de roches qui leur bloquait le passage, les pierres roulant toutes en bas des escaliers. Aaron baissa sa baguette, et le rocher tomba d'un coup. Ils pouvaient passer, à présent.

"Allez, on y va!"

Il se faufila par le trou qu'ils avaient creusé, et monta les escaliers quatre à quatre.

Aaron était déjà parti que Rudika l'imitait en passant par la sortie qu'ils avaient faite.
La lumière extérieure l'éblouit quelque peu, elle se protégea les yeux avec le revers de sa main, essayant de distinguer les quelques silhouettes qui se dessinaient devant elle.

Quel pot que le rocher se soit déplacé... Elle n'en revenait toujours pas.

Elle se frotta les vêtements grossièrement pour enlever la poussière que la chute des pierres avaient soulevée et toisa les autres du regard.

"Désolée", fit-elle doucement, sans aucune expression sur son visage.