L'oisellerie

Administrateur Nombre de messages : 10 Date d'inscription : 31/07/2006

A mi-chemin entre l'entrée du Château et du grand lac se trouve un gigantesque kiosque en fer forgé, abritant un saule pleureur recouvert d'une multitude de petites niches préservant les oiseaux du froid. C'est ici que vivent les hiboux et chouettes transportant votre courrier. Ce lieu, c'est l'oisellerie, que l'on appelle plus communément la volière.

Le sol est couvert de fientes et de cadavres de rongeurs, mais les élèves en prennent rapidement l'habitude, et ne les voient même plus au bout d'un certain temps, le tout faisant partie intégrale du décor.

Mais les niches renferment également d'autres spécimens d'oiseaux, comme des couples de corbeaux et autres animaux plus lugubres encore.

La veille, Pierre avait traversé le parc en trombe, redoutant que la gardienne ne se soit mise à sa poursuite. Il avait ralenti l’allure devant le Kiosque, se demandant pourquoi on prenait la peine d'y abriter un simple arbre,, mais s’était rappelé que le plus important était à ce moment de trouver les dortoirs…
Mais, la curiosité l’ayant repris, il s’était levé très tôt ce matin, et avait fait en sens inverse le parcours de la veille.

Il faisait à peine jour. Pierre s’approcha d’une colonne et plissa les yeux. Il y avait plein d’oiseaux, principalement des hiboux … Il fit encore quelques pas et une grosse chouette ouvrit ses yeux ambrés. Elle tendit poliment la patte, mais le jeune orphelin ne lui accorda aucune attention. Il venait de repérer un trou dans le tronc massif du saule, rien à voir avec les niches préfabriquées qui ornaient les branches…
Ce garçon avait un don pour s’attirer des ennuis. Il pencha la tête de côté et avança encore. Deux yeux s’allumèrent dans le creux trop sombre… Pierre tendit la main…

"Retire ta main, mon garçon. Immédiatement." ordonna une voix sèche et glaciale, derrière Pierre. Elena revenait du marché de Strangevold, et était tombé nez à nez devant ce petit imprudent.

"Crois-tu qu'il est sage de fourrer ta main dans un endroit où elle a de grandes chances d'être croquée?"

Les yeux à l'intérieur du trou brillaient de malice, et la bête risquait de passer à l'attaque à n'importe quel moment. Elena sortit sa baguette, juste au cas où.

L'enfant retira sa main comme s'il se l'était brûlée.
Il tourna lentement la tête sans bouger le corps et dévisagea la dame d’un air contrit.
La gardienne… Il lui avait désobéi hier, était-ce pour ça qu’elle se trouvait là ? Non, de toute évidence, elle venait de…

*Faire ses courses ? :? *

Il resta silencieux et daigna enfin faire demi-tour ; voyant que la gardienne avait sorti sa baguette, et ne sachant pas quoi faire vu qu’elle ne semblait pas vouloir le punir, du moins pas tout de suite, il sortit la sienne aussi, et la tint dans une imitation parfaite d’Elena.
Autrement dit, bien qu’il n’en s’en rende absolument pas compte, dans une position d’attaque.

"Je préfère ça..." répondit Elena lorsque le jeune garçon retira sa main à toute vitesse.

*Il m'a tout l'air d'être associal, ce gamin... La manière dont il me regarde ne me plaît pas du tout.*

Et elle lui plut encore moins lorsque le garçon leva sa baguette juste en face d'elle, en position d'attaque.

"Accio baguette! Je peux savoir ce qu'il te prend?"

Si le garçon était un minimum fûté, il n'aurait pas l'audace de répondre.

Un réflexe tout à fait caractéristique de Pierre de Sveg fit que quand la baguette arriva dans la main d’Elena, il y était accroché de toutes ses forces.
Il leva les yeux, la bouche entrouverte : ça, c’était de la vraie magie !

Il continuait à tenir sa baguette des deux mains, et la seule chose qu’il l’empêchait d’avaoir l’air totalement idiot, c’était ces deux yeux d’un bleu presque noir, si brillants qu’ils lui donnaient l’air fiévreux.

"Je n’ai rien fait du tout !" finit-il par dire, d’une voix si perçante que beaucoup d’oiseaux émirent des piaillements offusqués.

Son timbre de voix était vraiment étrange, et c’était sans doute l’élément qui le caractérisait le mieux : une voix reconnaissable même à cent mètres de distance, très pointue et un peu cassée.

La surprise se peignit sur le visage d'Elena lorsqu'elle vit que Pierre n'avait pas lâché sa baguette. Heureusement qu'ils n'avaient pas été plus éloignés, car il aurait pu se faire très mal. Mais une colère froide l'envahit lorsqu'elle entendit les paroles qu'il ne fallait surtout pas dire : "Je n'ai rien fait du tout!"

"Oh vraiment, rien du tout? En levant ta baguette ainsi, tu m'as menacée... Bien sûr, tu n'aurais pas pu me faire le moindre mal..."

Elle coupa sa phrase par un petit rire mauvais.

"... mais là n'est pas le problème. Tu m'as menacée, et tu vas devoir en assumer les conséquences. Je te convoquerai dans mon bureau par hibou, plus tard dans la semaine. Je t'annoncerai alors quelle sera ta punition."

Elle rendit sa baguette au garçon à contre-coeur, et le toisa un instant.

"Sache que si tu fais des tiennes, je le saurai. Et la punition n'en sera que plus intense."

Quand la gardienne parla de menaces, Pierre songea que c'était elle qui était en train de le menacer, et pas l'inverse.
Cela dit, c'était une bonne chose à retenir: chez les sorciers, lever la baguette était considéré comme passablement dangereux.
Le rire d'Elena ne lui évoquait rien de bon, et il crispa les poings avant de récupérer sa baguette.
Enfin, quand elle eut terminé son monologue, Pierre rougit violemment et se mordit les lèvres, comme s'il sentait déjà l'"intensité" de la punition promise.

Un phénomène étrange se produisit alors : une branche basse du saule tendit ses fines feuilles derrière Elena et s’emmêla dans ses cheveux sans un bruit.
C’était le genre de choses qui se produisait tout le temps à l’orphelinat, et qui attirait toujours de drôles d’ennuis… Pierre ne l’avait pas fait exprès, mais il savait très bien que c’était sa faute. Aussi afficha-t-il un air désappointé avant de détaler comme un lapin en direction du château...

Pierre se sauva à toute vitesse, sans même dire un mot. Quel garçon étrange... Mais bientôt, Elena comprit pourquoi il avait fuit. Une branche du saule s'était insidieusement mêlée à ses cheveux, et commençait à tirer vers le haut. Un petit coup de baguette magique, et le saule lâcha prise sans offrir plus de résistance.

*Ce garçon est virulent, mais prometteur...*

La Gardienne ramassa alors le panier en osier qu'elle avait déposé en arrivant, et se remit en chemin vers le château, tout en en jetant un oeil à ses marchandises. Deux magnifiques livres à la reliure de cuivre. L'un noir, l'autre blanc. L'un rempli, l'autre vide.